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GADRAT BRUNO - ARTICLES

 

Paysages : 7 étapes indispensables
Par Bruno Gadrat - Marieville le 05/10/2005
Texte source pour le Guide pratique du développement rural en Montérégie publié par le Conseil régional de l'environnement de la Montérégie, octobre 2005 voir la fiche paysage du guide (pdf)

 Montérégie

Votre économie va bien ou mal, votre environnement est préservé ou détruit, votre milieu social est de qualité ou misérable. Le paysage montre aux yeux de tous les trois aspects de la durabilité de votre développement.(1) Par ses interventions, la municipalité est un acteur majeur de la préservation et de la transformation du paysage.(2)

Le paysage est une étendue de pays qui présente une vue d'ensemble. (3) Une municipalité peut facilement intervenir en 7 étapes indispensables :

1 voir,
2 protéger,
3 préserver,
4 restaurer,
5 prévenir,
6 inventer,
7 recommencer.

Cet ordre peut paraître curieux car il ne suit ni une logique économique, ni une logique environnementale, ni une logique sociale. En fait, il suit le chemin qui va de la découverte à la maîtrise des paysages. En pratique il est impossible de brûler les étapes.

 

1 Voir

La plaine ondule doucement sous le vent d'automne. Quelques silos fièrement dressés ponctuent l'immensité calme des champs et des maisons du rang. Un trait sombre de forêt surligne l'horizon où sont ancrées les Montérégiennes.

Ne pas l'avoir vu à temps est la principale cause de disparition de l'existant. Les municipalité peuvent facilement s'impliquer dans le développement du regard sur leur territoire, son histoire, ses façons d'être, de faire, de vivre. Avez vous un concours photographique, une journée de randonnée à pied, un budget d'aide à la promotion des activités de découverte du territoire ? (4) Écrivez la liste de ce que vous faites et pourriez faire pour que le plus de gens possible voient votre paysage.

 

2 Protéger

Vos plus beaux paysages sont un capital pour le développement économique de votre municipalité. Ils attirent et retiennent le monde. Vos plus beaux paysages montrent votre intégration profonde et durable dans votre environnement. Vos plus beaux paysages parlent du bonheur de vivre des gens et des liens qu'ils tissent entre eux.

Il y a cinq étapes pour la protection
a) Déclarer sa volonté de protéger.
b) Préciser ce qui doit être protégé.
c) Définir les outils de protection.
d) Utiliser les outils de protection.
e) Contrôler l'application de la protection.

Le principal outil de protection municipal du paysage est le plan d'urbanisme. (5) Avez-vous évalué les effets de votre plan d'urbanisme sur votre paysage ? Quels sont les règlements que l'on retrouve dans votre MRC, en Montérégie, au Québec, au Canada et qui forment ces paysages. Faites la liste des éléments qui sont spécifiques à votre plan d'urbanisme et qui protègent votre identité, votre paysage municipal. (6) Est-ce que les cinq étapes de protection sont assurées où y a-t-il un maillon faible ?

 

3 Préserver

Avez-vous remarqué que vos plus beaux paysages sont essentiellement constitués de plantes, de gens, de façons de faire, d'ambiances qui évoluent, qui naissent, grandissent et disparaissent ? Avez-vous remarqué que le regard de la communauté sur le territoire change ? Ce qui était notre plus beau paysage disparaît malgré sa protection légale et réglementaire d'arrondissement naturel, de site patrimonial, de boisé d'intérêt, ... même les grandes structures géologiques et climatiques ne sont pas aussi immuables qu'on le pensait.

Les trois ingrédients indispensables pour la préservation sont:
a) La connaissance du site, de son évolution et des valeurs qu'on lui porte
b) Le dialogue entre les groupes qui le revendiquent, l'utilisent ou le façonnent.
c) Le financement de son entretien.

La municipalité à le devoir essentiel de dynamiser et de coordonner ces trois groupes d'acteurs et d'actions.(7) Comment construisez-vous et mettez-vous à disposition de tous le savoir sur l'évolution de vos plus beaux paysages ? Que faites-vous pour que les différents acteurs énoncent clairement ce qu'ils ont à perdre et à gagner dans l'évolution du paysage ?

Le paysage est un capital collectif. Les propriétaires des sites ne sont pas les principaux bénéficiaires du paysage mais en supportent les charges. Quelles sont vos stratégies pour que les propriétaires préservent le capital sans le transformer pour en assurer les charges ?

 

4 Restaurer

Décider de refaire le centre-ville, le quartier historique, la rivière, les forêts ou tout autre site d'intérêt est la seule solution pour ne pas s'engager dans des problèmes économiques, environnementaux et sociaux de plus en plus difficiles à surmonter. Des aides extérieurs sont indispensables. L'organisation municipale est le palier privilégié pour fédérer les ressources nécessaires et s'y emploie en général avec beaucoup d'énergie.

Cette étape est indispensable pour atténuer les souffrances mais ne résout pas le problème de l'évolution du paysage. Il faut en effet maintenir le territoire et le regard qu'on lui porte. Pourriez-vous citer un aménagement ou un événement qui est refait régulièrement au plus grand plaisir de tous grâce à un réinvestissement remis en cause à chaque fois ?
Cette restauration perpétuelle ne peut s'appliquer durablement qu'aux sites et événements ayant une valeur patrimoniale indiscutable. Quelle aide apportez-vous aux porteurs de mémoire pour qu'ils puissent durablement montrer la richesse de votre patrimoine collectif ?

Les paysages naissent, se développent et disparaissent. Ce que nous considérons comme les plus beaux paysages sont des paysages sur leur déclin ou en partie disparus.

 

5 Prévenir

S'occuper des plus beaux paysages, c'est essentiel pour la promotion de la municipalité. Mais, il y a tous les autres paysages, ceux qui ne sont pas le plus beaux mais qui forment notre cadre de vie quotidien, ceux qui font la qualité de vie et incitent à rester.

En pratique la prévention est simple. Avez-vous remarqué que certains lieux soulèvent les passions à la moindre rumeur de projet ? Ce sont les sites des paysages de grand intérêt à préserver. Heureusement, il existe d'autres solutions pour préserver les paysages que la protection et la restauration des sites. Quelle aide humaine ou financière apportez-vous pour faire voir les sites, raconter leur histoire d'aujourd'hui, célébrer les façons de bien y vivre, honorer les personnes qui garantissent la préservation de ces paysages, aider au montage des dossiers de subvention, trouver des mécènes ? Faites une liste de ce qui vous permet d'aider à conserver le présent en accord avec le passé.

D'autres sites ne soulèvent la passion que de quelques spécialistes. Ce sont des paysages savants souvent extrêmement rares et difficiles à protéger dont il ne reste que quelques traces. Il faut impérativement bien les documenter avant de les transformer. Dans cette situation, la question la plus importante est qui va s'en occuper durablement ?

Ailleurs, la vie au pays domine sur le paysage. La municipalité devra y développer les éléments de qualité de vie qui deviendront les plus beaux paysages de nos enfants. Quels sont les éléments de qualité de vie que vous mettez en place qui ont des chances d'être appréciées par vos petits-enfants ?

 

6 Inventer

Des lieux multiples se transformant perpétuellement et qui sont appréciés par des regards innombrables et changeant. Pour tout projet, du simple entretien à la reconstruction la plus importante, la maîtrise de l'évolution des paysages est en fait plus simple qu'il n'y paraît si on respecte certaines étapes.

Première étape : Il faut donner aux concepteurs de projets une liste précise de ce qui fait la valeur du lieu et des façons d'y vivre. Il faut y ajouter ce qui aura de la valeur pour les générations futures. Ce sont les éléments que le projet devra maintenir, votre capital de paysage. Ces éléments doivent être déterminés par les citoyens et par des experts. Cela peut prendre de quelques semaines à plusieurs années. Êtes-vous prêts pour les lieux qui sont le plus susceptibles de changer rapidement ?

Deuxième étape : Il faut communiquer au concepteur votre volonté de préserver ces valeurs et d'en faire une condition d'acceptabilité du projet. C'est votre apport de capital au projet. Vous de voulez pas perdre vos valeurs ? Il n'y a pas de recette magique pour faire un beau et bon projet. Il faut inventer.

Troisième étape : Il faut vérifier que le projet préserve les valeurs énoncées dans la première étape, qu'il préserve bien votre capital de paysage. En déclarant précisément vos valeurs, vous pourrez évaluer vos bénéfices sans les confondre avec une perte de votre capital.

Les architectes paysagistes sont formés pour déterminer les valeurs de vos paysages, pour faire des projets qui préservent et augmentent leurs valeurs.(8) Cela ne vous dispense pas de respecter les étapes suggérées car les architectes paysagistes ne sont pas les seuls à intervenir dans votre paysage. Quand avez-vous pour la dernière fois fait un rappel des principales valeurs de votre paysage ?

 

7 Recommencer

La psychologie de la perception nous rappelle que nous effaçons le fond au profit de la forme. Le paysage, c'est justement le fond de la vue d'ensemble sur le pays. Il faut donc faire des efforts régulier pour le voir. La contemplation et le dépaysement sont les deux moyens les plus simples pour voir et revoir notre paysage habituel. Votre paysage permet-il la contemplation ? Les points de vues privilégiés comme les accès routiers montrent-ils votre paysage ? Attention au dépaysement, car il nécessite un effort pour apprécier ce que l'on a et ne pas envier ce que l'on a vu. Êtes-vous prêts à regarder votre paysage ? Alors recommencez à l'étape 1.

 


Notes

(1) Le paysage donne une image forte et immédiate de tous les éléments. Les statistiques permettent de comparer certains critères.

- Images de la Montérégie dans Google. Quand on remplace la réalité par des cartes c'est mauvais signe. http://images.google.ca/images?q=Montérégie Essayez avec le nom de votre municipalité.

- Essayez Statistique Canada http://www.statcan.gc.ca/start-debut-fra.html

(2) L'essentiel du budget d'une municipalité est consacré à la préservation, à la transformation du paysage ou à son animation. le budget d'une municipalité est généralement de plus de 1000 $ par habitant et par an. Il faut y ajouter l'implication municipale pour soutenir les projets commerciaux et associatifs sur le territoire. Même les déficits d'investissement municipal se voient dans le paysage.

(3) Définition du Petit Larousse illustré 2000. Celles du Petit Robert ou du Petit Breton sont très similaires. Au niveau municipal, il est préjudiciable de compliquer inutilement la définition du paysage. Les trois composantes essentielles du paysage sont une étendue de pays, quelqu'un qui le contemple dans son ensemble et la relation qui s'établit entre les deux. L'absence d'une de ces trois composantes ou la réduction de l'une d'elle à une caractéristique isolée n'est pas le paysage mais une composante de celui-ci.

(4) Exemple de concours photo ayant pour sujet le paysage par le Centre de la Nature à Mont-Saint-Hilaire http://www.centrenature.qc.ca/pdf/Photo/photo0405.pdf

(5-a) Le plan d'urbanisme comprend obligatoirement votre volonté de protéger et développer le territoire dans son chapitre sur les grandes orientations d'aménagement du territoire, les grandes affectations du sol, les densités d'occupation et les infrastructures de transport mais il peut contenir beaucoup plus voir

http://www.mamr.gouv.qc.ca/amenagement/outils/amen_outi_plan_plan.htm

Pour des secteurs particuliers, on utilisera le programme particulier d'urbanisme

http://www.mamr.gouv.qc.ca/amenagement/outils/amen_outi_plan_prog.htm

Vous pouvez allez plus loin et adhérer à une charte de paysage qui dépassera les limites de votre municipalité

http://www.paysage.qc.ca/cpq/charte.pdf

(5-b) Le Schéma d'aménagement et de développement de la MRC comprend les territoires d'intérêt. La liaison avec les services de la MRC est essentielle pour une bonne définition des sites sur votre territoire.

http://www.mamr.gouv.qc.ca/amenagement/outils/amen_outi_plan_terr.htm

Le plan d'urbanisme précise aussi les éléments d'intérêt.

http://www.mamr.gouv.qc.ca/amenagement/outils/amen_outi_plan_zone.htm

Vous pouvez aussi utiliser la loi sur les biens culturels pour préserver vos paysages les plus remarquables. Cette loi les a renommé "arrondissement naturel". http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/B_4/B4.html

Si vous utilisez la loi sur la conservation du patrimoine naturel pour protéger un "paysage humanisé" telle qu'elle le définit, vous devez savoir que vous ne protégerez pas un paysage au sens du dictionnaire.

http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/C_61_01/C61_01.html

Plus le niveau de protection implique d'instances en dehors de la municipalité ou des paysages rares et plus vous devrez vous faire aider par des instances extérieures comme par exemple la Chaire en paysage et environnement de l'université de montréal http://www.paysage.umontreal.ca et des architectes paysagistes http://www.aapq.org

(5-c) Les règlements d'urbanisme offrent une panoplie fournie d'outils de protection. http://www.mamr.gouv.qc.ca/amenagement/outils/amen_outi_regl.htm

La citation d'un monument historique ou la constitution d'un site du patrimoine est une protection directe d'un élément d'intérêt.

Le règlement de zonage donne de la lisibilité au paysage en regroupant les constructions selon des critères économiques, sociaux, environnementaux et esthétiques

Le contingentement des usages similaire ou identiques permet de garder des proportions entre les différentes activités.

Le règlement sur l'affichage est essentiel dans la préservation des vues sur les sites.

Le contrôle de la démolition d'immeubles est un moyen sûr de protéger les constructions remarquables de votre municipalité, celles qui en font l'histoire ou qui structurent les repères et les vues.

Les règlements permettent de contrôler les situations d'aménagement ordinaire avec des solutions automatiques qui fonctionnent bien. Il serait illusoire de croire que tout peut être réglé à l'avance. Les règlements à caractère discrétionnaire peuvent permettre de maîtriser ces exceptions.

Le règlement sur les dérogations mineures permet d'atteindre les objectifs du plan d'urbanisme dans des situations particulières où les règlements usuels sont inefficaces ou empêcheraient la réalisation de projets bénéfiques pour la communauté.

Le règlement sur les usages conditionnels permet de sortir de l'effet de peinture à numéro du zonage traditionnel et de compenser l'inactivité, la désertification ou la fragilité due à un usage unique.

Le règlement sur les projets particuliers de construction, de modification ou d'occupation d'un immeuble permet de faire des projets avec des constructions complexes et des intégrations multiples sans affecter la simplicité qui fait la force des règlements usuels.

Le règlement sur les plans d'implantation et d'intégration architecturale permet de contrôler les aspects des constructions sur des critères plutôt que sur des normes. Il permet l'invention architecturale ou paysagère.

Le règlement sur les plans d'aménagement d'ensemble permet à la municipalité d'être prête à accueillir des projets sans perdre l'essentiel des critères qui forment son paysage.

Vous pouvez aussi élaborer des outils qui ne sont pas d'ordre réglementaire mais qui utilisent l'information et la conviction. Ne laissez pas échapper les artistes qui chantent ou peignent les beauté de votre coin de pays, Ne ratez pas une occasion de redire ce qui fait la beauté de chez vous.

(5-d) Pour faciliter le travail et l'efficacité de votre inspecteur municipal, il faut éviter les règlements trop nombreux et surtout les règlements contradictoires ou que l'inspecteur ne peut pas justifier par l'énoncé clair de ce qui doit être protégé.

(5-e) Il ne faut pas non plus se reposer sur la simple application des règlements, beaucoup sont énoncés avec la meilleure volonté du monde mais leur application ne donne pas le résultat escompté. Il faut en contrôler l'efficacité par une mesure régulière de l'état des lieux. Soit par un contrôle visuel de votre paysage soit par des indicateurs http://www.mamr.gouv.qc.ca/amenagement/outils/amen_outi_plan_indi.htm

(6) La communauté locale n'est plus la seule à intervenir sur son territoire. Le paysage est le reflet de ces multiples échelles d'intervention et de décision. L'intervention extérieure peut cependant être soumise à votre façon de faire par exemple dans vos règlements sur l'affichage ou tout autre outil de protection que vous avez défini.

(7) Le savoir sur le site s'accumule par des études successives et complémentaires. La plupart des domaines scientifiques peuvent étudier un site. Les géographes ont été parmi les premiers à en décrire la structure physique et sociale. La plupart des arts peuvent représenter une étendue de pays. Les peintres de paysages (paysagistes) en on fait leur sujet privilégié. Au niveau municipal, le plus important est d'avoir une personne chargée de collecter ces regards et de les transmettre aux intervenants pour que chacun, en assimilant ces informations, fasse la connaissance du paysage.

L'organisation du dialogue entre les groupes nécessite de concentrer ses efforts sur la production d'une liste de valeurs à préserver et des moyens de vérifier leurs niveaux. La facilitation de la concertation est aisée pour l'organisation municipale, le mandat confié à la table de concertation ou au comité aviseur doit-être parfaitement clair et il doit avoir les moyens de se faire assister pour élaborer les outils d'évaluation.

Le financement de l'entretien est le point délicat de la préservation. Le conseil municipal par ses aides stratégiques fait toute la différence.

(8) Les architectes paysagistes du Québec ont obtenu un baccalauréat à l'école d'architecture de paysage de l'Université de Montréal en 4 ans http://www.apa.umontreal.ca/03_etudes.html

Les architectes paysagistes offrent aux municipalités des services professionnels, autant en consultation qu'en planification et design, en réalisation d'études préparatoires, en recherches et études d'impact sur l'environnement, en préparation d'esquisses, de plans et de devis, en représentation et gérance de projets et en surveillance des travaux de construction. http://www.aapq.org

La préservation des paysages vaut la peine
Bruno Gadrat Design Végétal: Services de conception, de planification et de suivi

20051005paysagemunicipal.html - rev 17/11/2005